début de roman?
Quelque chose n’allait pas. Stanley sonda avec précision la petite poterie qu’il venait de créer entre ses deux mains immenses. Le petit vase en pierre rouge semblait être inspiré par les courbes d’une femme ; harmonieux et sensuel. Malgré tout un travail d’orfèvrerie, un défaut subsistait, rendant la structure de l’ensemble aussi fragile que du cristal. La seule fenêtre de l’atelier laissait entrer quelques rayons crépusculaires, baignant les murs blancs d’un rouge éblouissant. Dans cette lueur carmine, la silhouette immense de Stanley contrastait avec la petitesse de ses créations.
Alors que celui-ci tentait de trouver la faille dans le cortex de son œuvre, il sentit que quelqu’un arrivait. Il ne se retourna pas tout de suite, attendant que sa femme entre et dépose son repas dans un des rares espaces libres de la pièce. Le sol et les étagères étaient chargés de ses oeuvres.
- Tu devrais te reposer mon amour, ta présence me manque...
- Je sais Sihine, je sais bien... mais je dois finir ce que j’ai commencé, sans quoi je ne pourrais être vraiment tranquille.
- Oui je sais... Je ne te demande jamais rien sur ton travail, pourtant j’aimerais qu’il t’accorde un peu plus de répit à partager avec moi...
La sincérité dans la voix de Sihine ne lui permit aucune réponse. Il se leva de son fauteuil en cuir pour accueillir sa femme entre ses bras. Ce contact réveilla des pulsions qu’il avait occultées depuis quelques jours... L’étreinte se fit plus forte ; passionnelle. Stanley commença à déboutonner le chemisier de Sihine. Il s’écarta d’un pas, laissant ses yeux suivre les courbes enivrantes de la seule femme qu’il ait un jour désirée... Le couple rejoignit la chambre à coucher en ne cessant jamais de s’embrasser. Stanley s’allongea, tout en déshabillant sa femme. L’excitation qui le gagna fut attisée par le sourire malicieux de sa compagne. Il se laissa rouler sur le dos, soumis aux mains et aux lèvres de Sihine...
Ils firent l’amour rapidement mais tendrement et finirent tous les deux en sueur, à ne plus se quitter des yeux, un sourire béat sur chacun de leurs visages. Stanley se redressa et s’assis au bord du lit, son large dos musclé luisant dans la lumière déclinante.
- Je dois retourner travailler Sih’... merci... conclut-il en rougissant.
Elle éclata de rire.
- Tu es un idiot Stan, mais je crois que je t’aime pour ça...
- Etre un idiot ne me gêne pas Sih’, du moment que je suis un idiot à tes côtés.
- Je sais... Va vite finir ton travail.
Elle sourit encore en le voyant se lever, ses gestes pleins de grâce malgré sa carrure impressionnante et son air innocent. Il n’avait pas changé depuis qu’elle l’avait retrouvé agonisant, la moitié de son corps sous les débris d’une bâtisse écroulée. Elle l’avait veillé pendant son séjour à l’hôpital bien qu’il n’ait rien de vraiment sérieux. Elle n’avait tout simplement pas pu se détacher du jeune colosse. Le jour de sa sortie, elle lui proposa de venir dans son appartement, en périphérie de la ville. Il avait accepté. Stanley n’était plus reparti depuis ce jour... Sihine n’avait jamais compris comment elle avait pu accepter un tel homme dans sa vie ; un étranger sans origines, sans réel passé et sans véritable but, mais il était là et il le resterait, aussi fou que cela puisse-t-il paraître.
***
Stanley retrouva sa dernière œuvre en morceaux, à l’endroit où il l’avait laissée. Moins de deux heures, songea-t-il. Il s’affala dans son fauteuil, épuisé mais près à recommencer. Il posa ses deux mains sur la seule table de la pièce, paumes vers le bois, puis il ferma les yeux... Le géant se concentra comme il l’avait fait tant de fois auparavant, visualisant la matière, la forme et toutes les caractéristiques de l’objet qu’il voulait modéliser. Il se concentra plus encore, sentant son corps se réchauffer et ses mains vibrer. Les pièces commencèrent à bouger aussi, se rassemblant pour former de plus gros morceaux. Lorsqu’il ouvrit de nouveau les yeux, la matière avait reprit sa forme d’origine, refaisant la même forme de vase ; harmonieuse et sensuelle. Il sourit car cette version n’avait aucun défaut.
- J’ai fini mon amour, je vais la porter à l’endroit habituel, dit Stanley en revenant dans la chambre.
- Je dois sortir aussi, je la déposerai chez Gemmell’s si tu veux bien.
Il hésita puis lui donna la sculpture soigneusement emballée. Elle sourit en lisant de l’anxiété dans son regard car elle savait à quel point ses créations comptaient pour lui.
- Je me dépêche, ne t’en fais pas... prépare le dîner avant que je rentre ! Cria-t-elle sur le seuil de l’entrée.
- Je t’attends déjà mon amour. Répliqua-t-il, les yeux dans le vague.
Quelque chose n’allait pas. Il y avait une autre faille quelque part... Et le prix à payer serait plus élevé cette fois, Stanley en était certain.
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