Les jumeaux.
Rencontre.
Pieds nus sur la banquise, leurs mains entrelacées, les deux enfants contemplaient leurs avenirs. Ces silhouettes fragiles prolongeaient l’horizon d’une virgule infantile, leurs yeux rivés sur l’au-delà, leurs pensées tout autour de l’après. Epousé de regards pleins d’innocence, s’élevait dans le ciel un morceau d’infini. Les Esprits y avaient déposé un immense rocher bleu veiné d’argent, suspendu en équilibre entre quelques nuages, par quelques mains géantes et invisibles. Le garçon souriait, imaginant quels paradis pouvaient s’y tenir, quelles sortes de plaisirs pourrait-il y dénicher, pendant que la jeune fille tentait vainement de masquer sa peur de l’altitude.
Debout et droit comme des I, ces rêveurs venaient de mondes opposés. Une princesse et un mendiant. La première était trop frêle pour espérer porter le poids de son royaume, le second était trop triste pour trouver la volonté de se lever. Mais, dans le brûlant du crépuscule, chacun des sourires que dessinaient leurs lèvres étaient identiques. La joie de contempler pareille folie n’avait pas de prix... Pendant que le jeune garçon s’extasiait devant L’Îlot des Nuées, des larmes de bonheur roulant le long de ses joues roses, sa compagne laissait ses yeux chercher d’autres merveilles, sur les terres de Sumi, le monde des rêves. Des hordes d’animaux parcouraient les étendues blanches, changeant continuellement de formes. Leurs désirs s’exprimaient au travers de leurs corps, modifiant la nature selon le poids de leurs pensées. La princesse Su les appelait Taki, « les sourires de neige ». Chaque pas des Taki s’enfonçait dans la glace, donnant naissance à des volutes d’or et de rouge, sur un tableau blanc éternel. Des Oiseaux-Vagues inondaient le ciel de tons bleus et bordeaux, menaçant de noyer de splendeurs, les regards qui s’y perdaient. Puis la princesse Su laissa sa vue voler vers les abysses, découvrant des nouveaux horizons. Conscient qu’ils ne partageaient pas la même vision, le mendiant Mi décrocha ses yeux de l’Îlot des Nuées, pour les porter sur sa voisine. Sa beauté innocente devint un long frisson sur toute l’étendue de sa peau. Le garçon n’avait jamais contemplé de tels vêtements, de tels bijoux. Le tout semblait danser sur le corps de la princesse, l’enveloppant de richesse et d’opulence mais, pas un seul ornement ne pouvait enlever la fraîcheur de ses traits enfantins, la magnificence de son sourire et l’éclat vif de ses yeux rebelles. Le jeune Mi rougit de son propre accoutrement fait de haillons de tissu gris. Puis il se souvint qu’il tenait la main d’une princesse, alors, en rougissant de plus belle, il tenta de retirer la sienne mais en vain. Su esquissa un mouvement délicat et gracieux qui fit trembler sa crinière, pour finalement unir leurs deux regards. Elle lui sourit pendant qu’il s’empourprait, leurs cœurs battant à tout rompre, à l’unisson.