Dictator's Shit
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 La déraison (chapitre 3, à retravailler)

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La déraison (chapitre 3, à retravailler) Empty
MessageSujet: La déraison (chapitre 3, à retravailler)   La déraison (chapitre 3, à retravailler) EmptyJeu 9 Nov - 23:11

2346ème étage. Le vacarme des perroquets muets, omniprésent, offrait généreusement un mal de crâne à quiconque n’y était habitué. Les néons ternis d’étincelles et de flammes formaient un sentier presque divin. Un aveugle aurait pu y voir la lumière au bout du tunnel, un voyant n’y aurait vu que du feu, artificiel et bourdonnant. Certaines des lumières clignotaient pareilles à des spasmes stomacaux et explosaient en orgasmes électriques sur les parois blanches et vert treillis du couloir. Ça sentait le gymnase et l’hôpital, la clinique de frappe chirurgicale esthétique, le tout mélangé à une douce senteur de jungle rurale. L’odeur se baladait en sifflotant joyeusement de sa mauvaise haleine. Eparpillés, quelques fauteuils vivants ronflaient d’un sommeil lourd et somnambule.
Il n’y avait personne, rien que des bactéries invisibles à l’œil nu jouant à la guerre. Sudor progressait dans la longueur du couloir d’un pas peureux et fatigué. Une seule porte était visible.
Il ne connaissait que trop bien cet endroit malodorant et glauque. Il y faisait régulièrement des piges. La Gazette du Cloups prît un jour la décision d’isoler la rubrique des annonces nécrozoophilique au dernier étage, tant pour les odeurs que pour les hennissements, aboiements et autres fourmillement qui causaient une moyenne de trois tentatives de suicide par jour.
En surréalité, Sudor se doutait bien que si Falnek l’avait convoqué ici, c’était plus pour tenter une réconciliation entre un fanatique des vers de terre comme Albertolus et un anesthésié de la vie comme lui. L’anesthésie provoque souvent des vomissements.
Sudor suait à grosse gouttes. Il n’entendait plus que sa respiration, les battements de son cœur et ses pas sur le carrelage tacheté de plumes et de cratères. Le pas chancelant, il progressa vers l’unique ouverture.
Sa main tremblait à l’approche de la poignée qui était une simple main osseuse décharnée. Il la saisit d’un bond de doigts et poussa le battant énergiquement. Le bureau était vide de Falnek et d’Albertolus, mais rempli d’animaux. Il y avait au moins treize chats, cinq bisons à pompons, sept paresseux hyperactifs, un couple de dauphins échangistes, des centaines de hamsters qui se concentraient sur la reproduction miniature de la Tour Eiffel en paille de couchage… Toute une jungle en 25m². Au fond de la salle, une loutre rock star, guitare aux pattes et cheveux longs, interrompît sa chanson, ébahie. Le bernard-l’hermite qui était à la basse et le poulpe à la batterie firent de même, et tout le public se retourna d’un mouvement synchronisé et chuchotait des rumeurs que lui seul pouvait comprendre. Sudor avait dérangé le bal de l’année. Un chat s’approcha alors d’une démarche assurée, roulant des mécaniques oxydées, l’air menaçant:
«-Que fais-tu là, Sudor? Agressa le félin.
-Je… je me suis trompé, je suis confus, balbutia-t-il.
-Aussi confus que le jour où tu m’as tiré par la queue pour que je descende de tes genoux?
-C’était vous? Répondit-il, gêné.
-Et pas une seule excuse!
Le chat se retourna alors vers tous ces congénères d’espèces différentes.
-Voyez, camarades! Voyez l’ingratitude humaine! L’asservissement collectif dans lequel nous plonge ces créatures! Un jour, humains, un jour, vous verrez! Un jour nous reprendrons le dessus en éradiquant vôtre espèce de politique libérale et d’industrie fatiguée, et à nôtre tour nous posséderons chaque puit de pétrole pour mieux les brûler, et le sang coulera nous serons libres! Libres! Liberté à poils! Liberté à poils! »
Sudor profita du discours syndicaliste pour s’éclipser et refermer rapidement la porte. Il avait une peur bleu rayée mauve des ces dangereux révolutionnaires.
Plongé de nouveau dans le silence du couloir il comprît alors qu’avec l’évènement de la nuit dernière, le rendez-vous au bureau d’Albertolus était tombé à l’eau, éclaboussant son organisation. C’était chez Falnek, qu’il fallait se rendre, au 2246ème étage… Les effluves d’ammoniac lui faisaient toujours comprendre l’incompréhensible, mais pas les évidences.

2246ème étage. Atmosphère changeante. C’était tout le couloir, d’un blanc trop pur pour l’être, qui était infesté d’animaux. Tous à deux pattes. Tous vêtus d’une chemise à jambe anthracite et d’un pantalon à bras blanc. Tous coiffés d’une raie sur la gauche et tous affublés d’un air sobre dans leurs yeux. Tous humains. Ennuyeusement humains. Comme des moutons prêts à la tonte, ils attendaient nerveusement devant le bureau de Falnek. Habituellement tous les articlistes discutaient intelligemment de futilités, s’inventaient des vies à raconter faites d’évènements exceptionnels, certains d’entre eux parlaient même d’eux à la troisième personne, parfois même à la troisième personne du pluriel. Leurs vies étaient toutes importantes, toutes grandioses et uniques. Beaucoup étalaient leur culture comme on le fait pour un tapis rouge où l’on sait qu’une qu’un homme important va y poser ses pieds et y laissera une empreinte que le monde entier s’arrachera. Ils avaient tous cet air de différence. Une illusion presque parfaite. Ils naissaient seuls, mourraient seuls. Comment être différent lorsqu’on est seul au monde? A l’aide d’une illusion presque parfaite. Sudor pensait que la planète aussi était seule, et qu’elle ne tarderait pas à ressembler à ces étoiles que l’on voyait mourir éternellement et qui brillaient comme un bijoux qui n’en est pas un. Sudor ne croyait pas à la différence. Ni à l’importance. Peut-être parce que lui-même l’était.
Il était sacrément en retard. Des collègues le regardait de biais, en torticolis des yeux. Il les avait fait patienter longtemps. Peut-être deux ou trois ans, si l’on prenait compte des toiles d’araignées que tissaient leurs conversations. Peut-être une ou deux heures, si l’on prenait la peine de regarder l’horloge muette. Tous le scrutaient à présent. Ils lui en voulaient déjà, avant même que Falnek n’ouvre la porte et que sa colère de ne se déclenche. Sudor aurait voulu se cacher au plus profond de ses intestins, ne plus les voir, ne plus les entendre et ne plus avoir à pronostiquer ce qu’ils pensaient de lui. Maintenant il suait tellement que ses vêtements en étaient trempés et qu’un filet d’eau sale chargé de sodium le suivait dans ses moindres mouvements. Il avait dû perdre la moitié de son poids. Il semblait osseux. Le teint grisâtre et les yeux qu’il baissait, rouges cernés d’un bleu hématome, comme pour compter les carreaux de carrelage, il eût une soudaine envie de génocide. Il rêvait de pouvoir réunir tous les êtres humains en deux colonnes formant un couloir, et d’y avancer paisiblement. Il rêvait que l’humanité le regardait alors marcher, sautillant comme un enfant, tandis que tous brûlaient à son passage dans un crépitement de chair et de dents qui éclatent sous la chaleur. Et lui riait et levait les mains au ciel, déployait son bonheur la gorge grande ouverte en attendant l’orage qui étoufferait le brasier. Ne serait-ce qu’une seconde au moins, il serait heureux. Il pourrait voyager seul et faire le tour du monde, mais faire le tour d’une planète aussi plate pouvait s’avérer ennuyeux, sans surprise. L’impression qu’il connaissait tout du monde, il l’avait depuis son plus jeune âge. Il connaissait tout de son monde, mais rien des autres, et il n’en éprouvait pas le besoin.
La porte s’ouvrit dans un fracas sourd et une ambiance pesante pour tous les articlistes se répandit, sortant du bureau et venant prendre appui sur les épaules de chacun. Ceux qui étaient assis peinèrent à se lever. Seul Sudor ne le put, harassé. Falnek se tenait devant l’ouverture, la lèvre inférieure sur la supérieure, les sourcils en accents circonflexes et en position d’amphore, ses deux poings disposés sur ses hanches:
«-Messieurs! Esclaves salariés! Veuillez entrer je vous prie!» S’exclama le rédacteur en chef d’un ton solennel. Et tous entrèrent alors la tête baissée au niveau des genoux, les bras ballants. Sudor était toujours assis et luttait pour recouvrer ses forces. Il ne pouvait rester éternellement comme cela. Les regards se jetèrent à nouveau sur lui. Des collègues l’observaient encore et chuchotaient d’effroi. Falnek se tenait debout devant Sudor, un sourire sadique au coin des lèvres.
«-Une forme olympique, je vois! Non seulement vous vous permettez de nous mettre tous en retard, mais vous ne daignez pas même vous levez pour la réunion!
-Si…je vais vous expliquer…
-Expliquer votre manque d’intelligence? Mais c’est inexplicable voyons! Les plus grands savants pourraient se pencher sur votre cas qu’ils ne comprendraient pas comment un être doué de certaines capacités humaines peut être aussi stupide et inintéressant! Allons, entrez!»
Les articlistes étouffaient leurs rires dans leurs mains. Sudor voulait se faire tout petit, minuscule, aussi petit qu’un nourrisson de fourmi ou qu’un poil d’abeille. Il ferma les yeux et se concentra si fort sur lui-même qu’il rapetissa par à coups sur le siège du couloir. Plus les autres riaient et plus Sudor de tassait. Et ils s’esclaffaient de plus belle. Falnek, exaspéré par tant d’enfantillage, tourna alors les talons et prît place dans son bureau. Sudor descendît du siège qui était aussi haut qu’une maison pour lui maintenant. Il entra dans la salle, manquant de se faire écraser par quelques pieds, et se mît dans un coin, décidé à ne pas grandir, attendant que personne ne le regarde plus.
Le discours de Falnek portait essentiellement sur l’information de la veille. Pour la plupart des gens présents, ce n’était qu’une information, pas un problème géopolitique. Tous écoutaient les paroles sérieuses et figées avec la même attention que l’on porte à un discours politique. Certains jouaient aux cartes discrètement. Sudor, lui, écoutait attentivement. Il sentait que cette affaire allait être plus importante que tout le monde le pensait. Falnek donnait des ordres, les reprenait, argumentait, hypothéquait sur d’éventuels coupables. Il avait en fait une idée bien précise de qui était derrière ce massacre de clopsinates. C’était Ploufbourg.
Cloupsoville et Ploufbourg se respectaient cordialement, mais se détestaient en secret depuis des centaines d’années. En 9873 après Flageolet, un traité de paix fût signé entre les deux communes, usées et détruites en partie par les Froissades -guerre née d’ambition territoriale et dogmatique- une sorte de charte religieuse, de lois promulguant le droit et le devoir de respecter chaque homme selon sa religion, qu’il vénère les haricots blancs ou rouges. Dès lors ils vivaient paisiblement, dans une indifférence forcée mutuelle. De longues et paisibles années s’écoulèrent, Cloupsoville et Ploufbourg pratiquant même un commerce d’échange. Mais un jour tout cessa, lorsqu’un groupuscule ploufbourgeois conservateur kidnappa un cloupson, réclama l’abandon total de Cloupsoville à pratiquer sa religion, considérée par Ploufbourg comme hérésie. Bien évidemment, le maire cloupson de l’époque, Gukoret, 456ème du nom, refusa le chantage éhonté. Le SHPM (Seul le Haricot Ploufbourgeois se Mange) décida alors d’exécuter le cloupson par ingurgitation d’une boîte entière de trois cent grammes de ces immondes haricots blancs. La réaction chimique fût brève mais intense, le cloupson n’y survécu pas. Mais lors de son agonie, ses vomissements comportèrent quelques graines minuscules, verdâtres et très fines. Les clopinates étaient nées.
Gukoret, courroucé par cette découverte majeure depuis l’analphabétisme, décréta que tout le mérite venait du feu cloupson, Clopin, qui devînt alors messie martyr et donna leur nom aux clopinates. Ploufbourg ne l’entendît d’aucune oreille, et déclara la guerre. Une guerre sans s’il vous plaît. Une journée de massacre. Cloupsoville remporta cette guerre, à cent trente sept contre vingt et un, bien que la capitulation ploufbourgeoise fût sifflée douze heures avant la fin de la sixième mi-temps.
Et le calme était revenu, fébrile mais encore tenace, comme la couche d’ozone. Les cloupsons ne vénéraient plus les haricots rouges. Mais les clopinates. Et si le calme était bien présent, les cloupsons s’étaient toujours attendus à une réplique militaire, visant très bas. Ils avaient leur scoop, bien plus tôt que prévu.
Falnek en avait fini. Tous les articlistes s’empressaient de sortir, comme chargés de missions. Sudor avait retrouvé sa taille normale et s’apprêta à sortir, lorsqu’une main se posa sur son épaule. Il se retourna: Albertolus. Il se doutait bien que cette journée n’avait pas fini d’être exécrable.
«-Mon ami Sudor! Comment allez vous?
-A pied. Aujourd’hui, à pied, soupira Sudor.
-Moi je vais très bien! Très très bien!
-Je n’ose pas trop vous dire à quel point ça me bouscule. Qu’est ce qui peut vous rendre aussi démonstratif, voire même écoeurant?
-Nous partons en mission tous les deux!
-Quelle nouvelle réjouissante! Mais lorsque vous dites tous les deux, rassurez moi, c’est vous et votre chat? S’inquiéta Sudor.
-Non Sudor, répondit Falnek, c’est vous et lui. Bonjour Albertolus.
-Bonjour monsieur, répondit Albertolus, facilement impressionnable.
Sudor s’empressa de couper court:
-C’est que j’ai la coupe régionale de Cricket sur Herbe Folle dans une semaine Falnek! Il faut que je prépare ce rendez-vous sportif des plus important! Trouvez vous quelqu’un d’autre pour partir avec cet… animal.
-Premièrement, si vous avez bien écouté mes hypothèses, il n’y aura plus de sport dans les trois jours! Deuxièmement, je ne peux pas trouver moins incompétent pour cette mission. Ce sera vous, ligne au point!
-Mais justement Falnek, ce ne sont que des hypothèses! S’indigna Sudor.
-Dites-moi, n’est ce pas dans votre formation, de vérifier les hypothèses?
-Oui… oui, je crois bien.
-Alors, vous allez me faire le plaisir de vous rendre sur les lieux de l’ignominie et de nous tirer des informations, quitte à les voler!»
Sur ces mots, Falnek prit congé des deux articlistes. Ces derniers s’échangèrent un regard que Sudor eût du mal à rendre. Cette mission n’enchantait pas Sudor, pourtant, cela lui offrait l’opportunité d’un changement minime dans sa vie. Il n’imaginait pas à quel point cela allait tout changer.

Le duo d’articlistes formé par Sudor et Albertolus était loin d’être inédit. Ce qui était nouveau, c’était qu’on leur confie une mission importante. Mais si cette mission leur était revenue c’était sûrement parce que les autres articlistes étaient dépêchés sur des lieux bien plus stratégiques. Sudor le savait bien, lui.
Ils sortirent du bureau et prirent la direction de la boîtàmonter, qui était en panne. Le monteuràboîte était mort d’épuisement. Ils prirent les escaliers en colimaçon, qui ne faisaient que monter, ce jour-là. Impossible de descendre. Dès qu’ils descendaient d’un mètre ou deux, l’escalier remontait d’un cran. Ils retournèrent tous deux au 2246ème et prirent la décision de sauter par une fenêtre, moyen bien plus sûr de descendre que les escaliers. Albertolus bondît le premier, et lorsque Sudor regarda par la fenêtre, il ne vît plus qu’un point noir partant déjà en direction de l’arrêt de bus. Sudor sauta à son tour. Ses cheveux fouettés par la fraîcheur automnale, il nourrit l’air d’un cri libre, un cri resté trop longtemps en lui. Le sol était molletonné, un coton noir où l’on apercevais quelques secondes les empreintes de pas des piétons récents. Il rejoignît Albertolus qui attendait bien sagement, comme une vache à l’abattoir. Le bus arriva, sans toit, sans siège et sans chauffeur. Il fallait payer trois Clipos par passager.
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