(Dans ce récit, toute ressemblance avec des personnages imaginaires est totalement voulue. La vérité n’existe pas. Pas plus que vous.)
3h58 du matin. Allongé de dos sur le lit, sa tête pendait dans le vide à quelques centimètres du parquet irrégulier de sa vaste chambre. Un effort mental surhumain (étant donné l’avancement de la journée) lui permit de retourner mentalement l’affichage numérique de son réveil abhorré, celui sur lequel il abattait inexorablement son poing chaque matin, avec l’emphase d’un mort-vivant. Cette fois ne fit pas exception, les deux minutes de sursis écoulées, sa main vola à une vitesse insoupçonnable jusqu’au buzzer de l’appareil, ne laissant échapper qu’une demi sonnerie. Il était déjà réveillé. Pourtant il n’avait pu se résoudre à éteindre l’engin de torture avant l’heure fatidique, de peur d’entraver un rituel quotidien vital. Ignorant les douleurs dues au sommeil, il contracta ses muscles pour se redresser en position assise, les draps comme unique vêtement. Cherchant à tâtons l’interrupteur de sa lampe sur pied, il dispersa quelques brouillons puis parvint à illuminer chichement la chambre. Il était persuadé que trop de lumière l’aurait rendu aveugle à vie. Sa gueule de bois ne s’amenuisait pas, des relents de rhum flottant encore dans la pièce. Les draps qui lui avaient semblés immaculés dans la pénombre prirent une teinte sale aux premières lueurs artificielles. Il jura, se souvenant des menaces de son amie au sujet de l’alcool dans leur nid amoureux. Un coup d’œil au réveil maudit... 4h03... encore deux heures et elle serait revenue de son job de nuit pour l’achever, si les mauvaises odeurs ne l'asphyxiaient pas avant. Cependant il en doutait. Contre toute logique, il afficha un sourire de gosse, probablement impatient de se faire sermonner. Pourquoi donc avait-il mis le réveil... ah ! Il voulait écrire... Tant pis. Le sommeil était plus confortable et moins fatigant... Il sombra de nouveau.