Dictator's Shit
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 La déraison. (chapitre 1)

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La déraison. (chapitre 1) Empty
MessageSujet: La déraison. (chapitre 1)   La déraison. (chapitre 1) EmptyDim 5 Nov - 20:54

Sudor aimait fumer de l’ammoniac. C’était son chassé horrible. Il lui arrivait souvent de passer l’après-zénith entouré des ces volutes bleus, siégeant au beau milieu de son salon, dont le sol était recouvert de moquettonuage. Il se sentait lui-même, enfermé dans l’inutilité. C’était pourtant loin d’être le cas.

Sudor était articliste pour la gazette hebdromadaire de sa commune. Cloupsoville qu’elle s’appelait, la commune. Il rédigeait principalement la rubrique Sport & Moisir, mais se prêtait parfois à quelques piges aux annonces nécrozoophiliques. Albertolus s’occupait habituellement de cette rubrique, mais il se trouvait régulièrement débordé car les syndicats de gardiens de zoos de Cloupsoville revendiquaient continuellement de meilleures conditions de repos.
Sudor n’appréciait que peu Albertolus. Caporalement, il n’aimait guère les personnes fascinées par les bêtes à poils, à écailles, à plumes, qui ululaient, couinaient et ne parlaient pas un fidèle mot d’humain.
Sudor mourait seul, travaillait seul. Son pavillon était situé dans un jambon de maison tout ce qu’il y a de plus conventionnel, aux rues en cul-de-sac qui débouchaient pour la plupart sur des champs de clopinates. Cloupsoville était encerclé par ces champs monotones, c’était la première ville productrice et exportatrice de clopinates. Au rang cantonal. Ce légume était en fait la spécialité de la ville voisine, Ploufbourg, et Cloupsoville s’était approprié cette particularité tout simplement à la suite d’un différent religieux. Il fut un temps, Ploufbourg vénérait les haricots blancs. Cloupsoville les rouges.
Sudor se rappelait bien tout cela. Dès qu’il fut en âge d’être idiot, on lui apprit à haïr Ploufbourg et les ploufbourgeois le plus au monde, derrière les haricots blancs. On ne lui apprit qu’à détester, encore fut-il capable d’autre chose. Tout ce qu’il aimait, c’était fumer son ammoniac et peut-être, peut-être, flâner en empruntant des détours dans les forêts de poteaux électriques.
Il avait eu une enfance paisible, heureuse, mais pas stable. Ses parents étaient comme morts, et par la faiblesse des choses il les avait imités, comme si tous les parents devaient être pris pour modèle. Il était comme un rameau sur le flot d’ordure qui va aux égouts, comme ce papier de bonbon que l’on a gardé en souvenir des années et qui s’est décoloré d’impatience et d’indécision. L’indécision. Il en était pétri. Tant et si mal qu’il ne put choisir de ne pas choisir. Il était comme cela. Aux yeux du monde en moitié, il serait toute sa mort comme cela. C’est ainsi que ses géniteurs qui le chérissaient comme un cadeau du noël dernier lui choisirent sa voie.
« Mon petit, lui dit alors son père, tu feras artciliste ou mange-cadavre», sur un ton autoritaire qui ne convainquît que lui-même.
Sudor aurait bien exercé le métier de mange-cadavre, mais ses parents auraient été salis de honte de la tête au cou. Il fît alors ce qu’il ne voulait pas faire, et il se mit à tout détester, lui en premier.
Il n’écoutait pas de musique. Il n’y avait jamais eu de femme dans sa vie. Il n’aimait pas ces satanés arbres qui bordaient les trottoirs de sa rue. Personne ne les aimait, d’ailleurs. Ils en avaient peur, les cloupsons. Ils ne s’en approchaient jamais. Une vieille légende prétendait que les arbres faisaient disparaître les enfants trop curieux. Une rumeur racontait qu’ils ne les faisaient pas disparaître mais les métamorphosaient en feuilles. Pour cette raison, chaque début d’automne laissait toujours des vapeurs blanchâtres aux coins des yeux des cloupsons.
Sudor s’en fichait éperdument, il n’aimait pas les arbres mais n’en avait pas peur. Il avait peur, lui, Sudor, de finir seul.

Il était sept heures du soir. Sudor était dans son salon en pleine léthargie. Un passant qui aurait observé par une des meurtrières aurait pu croire cet homme allongé en tailleur méditer. Mais Sudor ne pensait pas. Il avait en permanence l’air fatigué, vous savez, cet air qui vous fait penser que la personne qui le porte est d’une stupidité sans égale. Il avait des yeux de chats, plutôt ceux d’un chat écrasé, et ses rides sur son front et ses joues n’étaient pas la marque du temps, mais celle de l’ammoniac. Il les dissimulait sous une barbe pubère pour son âge, d’un roux plus clair que ses cheveux ce jour-là. Il faisait abstraction du vrombissement des vélos et des tempêtes au sein des buissons, et les gracieuses vapeurs bleues flottaient et se déplaçaient à travers la pièce, parfois en heurtant le plafond carrelé et rebondissant sur la moquettonuage en imitant un léger bruit de ressort tendu et lâché d’un coup.
L’éclairage jaunâtre et tamisé apparaissait dès les premières lueurs d’obscurité, sans que personne n’ait à vouloir l’allumer. Sudor détestait ces minisols nocturnes, mais aucun moyen n’était en sa possession pour les éteindre. Il avait pourtant essayé maintes fois de souffler dessus, mais rien n’y faisait.
Un oiseau aux ailes soudées s’apprêtait à passer au-dessus de son pavillon lorsque le parlodring retentit, puissant et métallique, à travers toutes les pièces et la rue. Sudor se leva avec la conviction d’un condamné à vie et décrocha, haussant déjà les sourcils et roulant ses yeux en tours complets:
« -Allo ? Tremblotèrent les cordes de mandoline vocales de Sudor.
-Oui, ‘soir Sudor, c’est Falnek.
-Oui… Non mais je sais, dit Sudor avec l’énergie d’un cadavre en lendemain de fête.
-Comment ça ? Vous savez quoi ?
-Bah, que c’était vous.
-Heureusement que vous le savez, je viens de vous le dire!
-Non mais avant d’entendre votre…
-Non non non, attendez! Je ne vous appelle pas pour discuter Sudor! S’empressa de répondre le rédacteur en ouvrier de la Gazette du Cloups.
-Ca, je m’y attendais… Venons-en au fait. C’est pourquoi?
-Pour vous donner un ordre pardi!
-Encore? Cela fera trois fois cette semaine, un ordre par jour et en comptant que la semaine fait trois jours… bah, ça fait une semaine désordre!
-Non Sudor, on ne recommence pas! Je ne vous demande pas votre avis, s’indigna Falnek avec une pointe de flèche dans la gorge, celle de l’agacement.
-Je me doute parfaitement bien que vous n’avez pas besoin de mon avis, je n’en ai jamais, soupira Sudor d’un ton las.
-Alors pourquoi protestez vous?
-Oh, par habitude…
-Vous savez ce que je pense de ça?
-Oui, mais… on s’en fiche, non?
Il y eut un silence assourdissant, de ceux qui parlent plus que des mots.
-Bon, très bien, abandonna le rédacteur fatigué. Alors demain, première heure au bureau d’Albertolus et vous en saurez plus sur place, là! S’énerva Falnek d’un ton lapidaire et presque jouissif.
-C’est quelle heure, la première heure chef? Interrogea Sudor d’un soupçon d’ironie non dissimulée.
Mais le parlodring indiqua à Sudor d’une voix graveleuse qu’il conversait seul à présent et que son intralocuteur avait raccroché.
Falnek avait ce ton paternaliste particulièrement agaçant, ce ton fais pas ci fais pas ça ne te décrotte pas le nez prends un mouchoir et mets tes chaussons je viens de passer la serpillière. Sudor ne détestait pas cela. Malgré les apparences, il tolérait que son patron le traite en enfant domestique. Cela lui donnait l’impression qu’il avait encore le temps de finir seul. L’impression.
Mais il n’y pensait déjà plus, il s’était replongé avec délectation et sans bouée dans ses marais d’ammoniac, et le brouillard qui l’entourait était le même qui berçait ses rêves. Il faisait nuit rouge et ce même brouillard se trouvait à présent derrière ses yeux, comme toutes les nuits, et comme tous les matins il n’allait laisser qu’une humidité d’automne où les arbres morts jonchaient le sol et les feuilles hibernaient en lévitation.


Dernière édition par le Ven 10 Nov - 1:58, édité 1 fois
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MaGe

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MessageSujet: Re: La déraison. (chapitre 1)   La déraison. (chapitre 1) EmptyDim 5 Nov - 20:57

extra... RE-extra meme... ça plane. ça déchire. Je suis accro.

mage...
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