Rien qu'à nous

On dansera pieds nus
Un tango aérien,
Quand j’avorterai
Des plis de ta robe.

On fera chuter
Les colonnes d’Athènes,
Rien qu’à nous deux,
Rien qu’à nous,
On fera rougir de honte
Les steppes mongoliennes,
Rien qu’à nos pas,
Rien qu’à nous,
On réduira en cendres
Les sépultures des petits rois de rien du tout.
On sera
Rien qu’à nous deux,
Les grands riens des petits tout,
Rien qu’à nous deux,
Rien qu’à nous.

Je te promets un tango
Où le tournis ne sera
Rien qu’un vertige de plus,
Où le tournis ne sera
Que la peur
De ne pas toucher le fond,
Rien que ça,
Rien que ça.

J’ai des navettes spatiales dans mes poches
Et elles t’emmènent,
J’ai des bouteilles de vin
Dans mon sac à dos vide
Et elles font tourner ta tête
En se brisant dans nos verres.

J’ai pris des allumettes pour te brûler les sourcils,
Parce que rien ne doit se mettre
Entre tes yeux et les miens.

On jouera à la balle au prisonnier
Avec des ogives nucléaires
Dans les jardins d’enfants,
Rien qu’à nous deux,
Rien qu’à nous,
Parce que le monde ne vaut rien
Et qu’on l’aime comme ça,
On fera tourner en rond
Les moulins à paroles,
Les moissonneuses de vides,
Rien qu’à nous deux,
Rien qu’à nous.
On inventera des mots
Pour faire parler les aveugles,
On jouera des parodies
Des mythes des guerres de cent ans,
On crachera au visage
Des états surdéveloppés,
Rien qu’à nous deux,
Rien qu’à nous.

On aura un monde à accoucher
Dans nos estomacs.

Je te promets un tango
Même si ta robe
Est maculée du sang des enfants que nous portions.

On sera
Les grands riens des petits tout,
Rien qu’à nous deux,
Rien qu’à nous.

Je te promets un nouveau monde.

(Mais laisse-moi te chuchoter
Que les promesses
Ne se tiennent pas.)