Je pourrais t'en vouloir Papa, d'être un homme, rien qu'un homme, avec ses passions et ses folies qui le poussent à décevoir.
Je pourrais te reprocher d'avoir enterré tes révoltes et préféré tes colères qui n'ont plus aucun sens maintenant, Papa. Où sont les belles promesses que tu avais faites à tes enfants alors que tu n'avais pas encore vingt ans ? Cette utopie de feu qui brûlait dans vos coeurs et dans les drapeaux qui remuaient le ciel ?
Je pourrais te rappeler Papa, tous ces pleurs que tu nous arrachais par ton égoïsme déshumanisé à t'immuniser contre les marques du temps, contre les souffrances qui mûrissent mal. Aimer est une folie, Papa, aimer est une folie, mais la plus belle folie est d'y croire encore, et l'ironie serait d'abandonner les armes chauffées par mille soleils de mille années.
Je pourrais t'accuser de n'avoir pour masque que celui que chacun maintenant parvient à faire tomber, celui dont tu souffres. La vraie vie n'est pas de se planquer Papa, mais de souffrir un peu plus des larmes qui creusent tes rides. N'aie pas peur d'avoir mal plutôt que de blesser ceux pour qui tu donnerais tout.
Je pourrais, oui Papa, je pourrais, te souffler un peu plus que je suis très forte et que grandir malgré tes humeurs est une tâche facile quand on repense aux pères qui battent et qui boivent. Mais cesse de te détruire en détruisant les autres, cesse de toujours hurler quand la seule force que tu possèdes est celle de pleurer ; je t'assure, Papa, je t'assure que le monde ne te veut aucun mal sauf celui de lutter et de marcher encore.
Papa, Papa que j'aime, je tâcherai de grandir sans tes sourcils froncés, ta hargne en mal d'amour et tes promesses crachées, je tâcherai de grandir sans les cris, sans les déceptions, qui parcourent ta route ; je tâcherai d'exister le poing et la tête juste un peu plus levés, Papa, mon Papa.
Mais je ne serai jamais à ta hauteur, tu sais, alors laisse-moi au moins te dépasser.
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