Assis en tailleur
Yves-Saint-Laurent,
J’observe la nuit
Dans mon manteau de chair.
Dans ma main gauche,
Une poignée d’étoiles
Me file entre les doigts,
Et elles forment des traînées
Qui vendent leurs corps au vent.
Derrière les collines, des milliers de points brillants dansent, incandescents et immobiles, au beau milieu d’une jungle mécanique. Des cheminées immenses crachent leurs vapeurs, qui se mêlent aux nuages, ces nuages qui pleureront au-dessus de nos champs, ces champs que nous cultivons et dont nous nous rassasions.
Tout est là. Tout est là pour me rappeler qui si je ne vomis pas, c’est que mon ventre est vide.
Pourtant
Je suis là,
Et là,
Et ici aussi.
Je pense,
Les yeux fermés dans le noir.
Je pense
Que je suis
Voiture
Télévision
Café
Whisky
Autocollant
Jean troué
Président
Ambassadeur
Diplomate
Bitume
Panneau publicitaire
Kalachnikov
Tequila
Morgue
Entertainment
Cancer du poumon
Copyright
Virgule
Basket à bulles d’air
Maladie sexuellement transmissible
Morphine
Politique de gauche
Politique de droite
Politique de rien
Théorie de la relativité
Point virgule
Traité de Yalta
Culture occidentale
Punaise
Mort aux rats
Mort aux flics
Mort aux cons
Mais ça commence à faire beaucoup
Monarchie
Monétaire
Cactus
Terroriste intellectuel
Point d’exclamation
A la ligne
Ouvrez les guillemets
Mort
Vivant
Point d’interrogation?
Assis en tailleur
De pierre,
Je ne sculpte que ma vie.
J’aurais été là
Et là,
Et ici aussi.
(-Ouvrez tous le livre de votre vie
A la page
Blanche.
Qui pourrait m’expliquer ce que c’est?
Ne levez pas tous le doigt en même temps surtout…
Oui, marc?
-Ce n’est… ce n’est rien?
-Oui, c’est ça ce n’est rien.
-Mais, madame, rien c’est déjà quelque chose, puisque le mot existe.
-Alors, il faut s’en contenter, me dit-elle en souriant.)