La dette (Ave César)

On a vu piétiner
Les colosses aux seins nus,
Leurs testicules frôlant le sol
Des républiques modernes,
Leurs poings fracassants
Les colonnes de givre
Et ces tristes colons
Armés jusqu’aux gencives.

Les boucliers à terre,
Les armures fendues,
Les souliers à l’air,
Et les arts mûrs pendus.
Ave César, Ô César!
Tends moi les bras,
Viens m’embrasser comme un frère
Et souiller ma femme et ma descendance.

On étendra nos terres jusqu’à nos tympans
Et nos globes ovales sauteront à pieds joints dans les câbles mourants.
Viens, ô César, prends ton sexe à deux mains que je t’étrangle avec.

On a du marbre dans les veines, mon frère,
Et nos plastrons sont déchus.

On a tous les continents dans nos bras
Et on ampute nos cris.

Et les pénis de nos mères
Et les vagins de nos pères
Seront sacrifiés pour une aube sans pluie.

On peut mourir aujourd’hui et oublier demain
Et oublier demain qu’on sera mort hier,
Je peux fuir qui je suis et approcher mes mains
Et approcher mes mains de l’empire de nos nerfs.

Ave César, aujourd’hui c’est la nuit
Aujourd’hui c’est la nuit du jour qui s’éteint,
Ave César, demain qui je suis,
Demain qui je suis sera d’or et d’étain.

Ave César
Puisqu’il te faut rendre ce qui t’appartient
Ave César
Il te faut apprendre à râler comme un chien.

Etendons nos terres jusqu’au ciel
Et mourons d’asphyxie.

Ave César
Je te rends tout ce qui ne t’appartient pas.